ET S'IL NE M'AVAIT PAS RÉVEILLÉE ?

Publié le 18 septembre 2025 à 07:03

Chapitre 1- Le départ

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23h15 – Le Marais, Paris

Fadila balançait des vêtements dans sa valise comme on écope une barque en train de couler. Tout y passait : robes froissées, trousses mal fermées, sandales en désaccord… et un téléphone coincé entre son oreille et son épaule.

— « Allez, Malika… réponds… s’il te plaît… » souffla-t-elle, faisant les cent pas dans son studio en désordre.

Troisième appel. Toujours rien. Le bip d’attente résonnait comme un métronome de stress.

Elle leva les yeux au plafond, les bras en croix.

— « Seigneur… je sais qu’elle dort. Mais s’il te plaît, envoie-lui un moustique évangéliste, un frisson prophétique, n’importe quoi pour la réveiller ! »

Son rire, nerveux et décalé, résonna dans le petit appartement du Marais. Autour d’elle, c’était le chaos : coussins éventrés, maquillage renversé, câbles enchevêtrés… et surtout, pas de passeport.

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Le temps s’arrêta.

— « Non. Non, non, non Seigneur… pas maintenant… PAS LE PASSEPORT ! » cria-t-elle, le souffle court.

Elle retourna le canapé, vida son sac à main, renversa sa trousse de toilette, inspecta le frigo comme si le document pouvait y être caché entre une compote et une bouteille d’eau.

Rien.

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Un bourdonnement fit vibrer la table. Malika – Appel entrant.

— « ALLÉLUIA ! » s’écria-t-elle en décrochant.

— « Allô… Tu sais qu’il est presque minuit ? » grommela une voix ensommeillée.

— « Malika, gloire à Dieu, tu respires ! Je t’aime ma co ! »

— « Moi, je dormais. Comme toutes les personnes civilisées. » marmonna son amie.

— « T’inquiète, le sommeil c’est surfait. Moi, je suis déjà en mode New York ! » répondit Fadila, lançant une paire de sandales dans sa valise.

— « Et tu m’appelles pour me raconter ça ? »

— « Non, pire. J’ai perdu… mon passeport. Je te jure, j’ai prié, chanté, même parlé en langues ! Mais rien. »

Un rire éclata à l’autre bout du fil.

— « T’as regardé dans ta veste beige ? Celle où tu caches toujours tout comme une mamie parano ? »

Fadila s’arrêta net. La veste.

Elle se rua vers l’entrée, plongea la main dans la poche intérieure… et sentit le papier plastifié entre ses doigts.

— « YEEEEEEEES ! Le Saint-Esprit est trop fort ! » hurla-t-elle, brandissant le passeport comme un trophée.

— « Malika, tu es une prophétesse sans même le savoir. Je vais finir par t’élever au rang de Patriarche ! »

— « Et moi, je vais t’envoyer la facture de mes consultations nocturnes. »

— « Tu vois pourquoi je t’aime ? »

— « Et toi, tu vois pourquoi tu me fatigues ? »

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Mais la légèreté s’effaça d’un coup dans la voix de Malika.

— « Fadila… promets-moi une chose. Ne te laisse pas distraire. Ce voyage, c’est peut-être plus qu’un séjour. Le diable, lui, ne prend jamais de vacances. Matthieu 26:41. Veille et prie. »

Un silence. Puis un sourire timide au coin des lèvres de Fadila.

— « Reçu. Mission : vigilance. »

Un bip l’interrompit.

Elle jeta un œil à l’écran.

Uber – Votre chauffeur vous attend.

— « Il est là. »

— « Alors va briller. Mais n’éteins pas la lumière en toi. Reste connectée. »

— « Je t’appelle dès que j’atterris. Je t’aime, Malika. »

— « Moi aussi. Et souviens-toi : reste éveillée… spirituellement. »

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Elle raccrocha.

Fadila resta un instant figée, le téléphone dans une main, le passeport dans l’autre. Elle ferma les yeux. Inspira profondément.

Puis, tout doucement, posa la main sur sa poitrine.

— « Seigneur… que ces vacances soient plus qu’un repos. Qu’elles soient un rendez-vous avec Toi. »

Elle referma la porte de son appartement, sans savoir que ce qu’elle laissait derrière…
n’était qu’un prologue.

Et que, de l’autre côté de l’Atlantique, quelqu’un – ou quelque chose – l’attendait déjà.

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Chapitre 2 — Surprise céleste à Manhattan

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— “Ladies and gentlemen, welcome to New York City. The local time is 6:40 a.m. and the temperature is 73 degrees Fahrenheit with clear skies. We’ve just landed at JFK International Airport. Thank you for flying with us.”

La voix du pilote s’éteignit, remplacée par un frisson d’excitation dans la cabine.

Fadila colla son front au hublot. Dehors, les pistes s’étendaient à perte de vue, baignées par une lumière dorée naissante. Des véhicules aéroportuaires s’agitaient comme des fourmis silencieuses. Le soleil caressait doucement les vitres, et au loin, le ciel bleu s’ouvrait comme une promesse.

Elle ne voyait pas encore Manhattan, mais elle savait que quelque part, derrière ces kilomètres d’asphalte et de banlieues, la ville l’attendait.

New York ne l’accueillait pas. Elle l’appelait.

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— Seigneur, je suis bien arrivée ? Ou c’est encore une de Tes visions en 4K ?

Elle eut un sourire, mi-figue mi-gloire, en essuyant une larme discrète.

Ce voyage n’était pas un simple rêve touristique. C’était un mémorial. Une promesse.

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Deux ans plus tôt, sa mère l’avait inscrite à l’émission Les Plus Belles Vacances sur TF1. Un petit jeu, pensaient-elles. Un délire. Une aventure qu’elles vivraient ensemble. Mais la maladie, elle, n’avait pas joué. Elle avait frappé, et sa mère était partie avant même que le rêve commence.

Quand TF1 avait appelé pour annoncer qu’elle avait gagné, Fadila avait refusé d’y aller. Pendant trois ans. Le voyage attendait, intact. Mais son cœur, lui, était resté bloqué au seuil d’une chambre d’hôpital.

Puis Malika, sa meilleure amie, avait parlé.

— Ce n’est pas pour toi que tu pars. C’est pour elle. Elle t’aurait dit : "Va, ma fille. Ris, découvre, respire. Et quand tu poseras les pieds sur cette terre, pense à moi et souris." Elle aurait voulu que tu profites de chaque instant, que tu vives ce rêve à fond. Et rappelle-toi : "Tu changes mon deuil en allégresse, tu dénoues mon sac et me ceins d’allégresse" (Psaume 30:12).

Et voilà. Aujourd’hui, Fadila était dans un avion, au-dessus de l’océan, avec une valise trop grande et un cœur trop lourd. Mais aussi, un cœur qui battait plus fort que jamais. Elle allait vivre ce que sa mère avait rêvé. Elle allait honorer leur promesse.

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L’aéroport bourdonnait comme une ruche en plein été. Des gens en short pressés, des enfants surexcités, des valises qui couinaient, et l’odeur mêlée de hot-dogs et de café réchauffé se disputait chaque mètre cube d’air.

Au milieu de la foule, un homme en costume noir tenait une pancarte : FADILA M.

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Elle s’approcha du chauffeur, désignant la pancarte avec un sourire timide.

— C’est moi, Fadila, dit-elle en pointant son propre nom.

L’homme la dévisagea brièvement, puis hocha la tête, soulagé.

— Ah, hello Miss Fadila, dit-il avec un accent new-yorkais pur jus. I am your driver. Ready for New York?

— So ready! dit-elle en souriant.

Il hocha la tête, attrapa la valise avec un petit grognement de surprise — elle pesait son poids — puis, dans un geste théâtral, ouvrit la portière du Yellow Cab comme s’il accueillait une star d’Hollywood. Fadila esquissa une révérence exagérée avant de monter, hilare.

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Pendant le trajet, Fadila riait toute seule, les yeux écarquillés comme une enfant devant un manège. Elle s’émerveillait de tout : les taxis jaunes, les panneaux lumineux, même les pigeons lui semblaient exotiques.

— Ayiii Saint-Esprit, regarde-moi l’Empire State Building ! Même lui veut Te faire coucou là-haut !

— Est-ce que c’est ici qu’ils ont tourné Spiderman ?!

Elle prit deux selfies : un avec ses lunettes tordues par l’excitation, l’autre avec un taxi jaune qui passait derrière, flou comme une apparition. Elle faillit demander au chauffeur s’il pouvait ralentir pour capturer un écureuil américain… mais elle se ravisa, pensant qu’il allait fuir et la laisser seule sur l’autoroute.

Le chauffeur la regarda brièvement dans le rétroviseur.

— You okay?

— Yes, yes... me and God, we are chatting small-small like best friends!

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Chapitre 3- La brèche

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Quand le taxi s’arrêta devant le Hilton Midtown, Fadila resta figée. Colonnades, dorures, portiers gantés. Elle avala sa salive.

— Seigneur, Tu veux que je dorme ici ? Même mes chaussettes ont honte de moi maintenant !

Elle entra, tête haute, cœur qui tambourinait comme un darbouka.

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À la réception, un jeune homme trop parfait pour être vrai lui adressa un sourire professionnel.

— Hello Miss Fadila. Do you have a reservation?

Elle cilla. L’anglais là, tout de suite, c’était trop.

— Pardon ?

Il répéta plus lentement.

— Your name, please?

— Ah oui ! Fadila. TF1. Winner.

Il chercha, puis son visage s’illumina.

— Ah yes! Miss Fadila. You’ve been upgraded to the Imperial Suite!

— Hein ?

Avec un français très approximatif, il tenta :

— Vous êtes… sur-clacée. Big room. Very cadeau from TF1.

Elle hurla presque.

— SURCLACÉE ?! Seigneur, mais Toi aussi Tu fais exprès pour m’étonner hein !

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Un liftier surgit comme s’il avait entendu l’appel céleste.

— Follow me, miss.

Étage 43. Moquette plus moelleuse qu'une promesse. Porte 4312. Et puis…

La suite. Immense. Magnifique. Inhumaine.

Fadila entra, bouche bée.

— Seigneur Jésus-Christ de Nazareth ! C’est pas une chambre, c’est un palais !

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Quand le liftier repartit, elle s'étala sur le lit, riant, soupirant, émue.

Puis, dans le calme, une pensée douce soufflée par le Saint-Esprit monta :

"Priez sans cesse." (1 Thessaloniciens 5:17)

Elle ouvrit les yeux.

— Saint-Esprit, ce soir seulement, je saute. Promis, demain je Te fais un culte royal.

Et elle s’endormit. Profondément.

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Mais ce qu’elle ne vit pas…

C’est que dans un recoin sombre de la suite, juste là, entre le fauteuil et les rideaux trop lourds, quelque chose s’était glissé. Ce n’était pas un souffle. Ce n’était pas un ange. Ce n’était pas une bénédiction.

C’était une présence. Silencieuse. Froide. Patiente. Et surtout, malveillante.

Elle n’était pas entrée par la porte. Elle avait trouvé une brèche. Une brèche laissée ouverte par une prière qu’on avait repoussée.

Et pendant que Fadila sombrait dans le sommeil, quelque chose, dans l’ombre, ouvrait les yeux.

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Chapitre 4 - Un pas, juste un pas

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Fadila s’étira longuement, les draps enroulés autour d’elle comme un cocon de coton de luxe. La lumière du matin baignait la suite d’un éclat doré. Elle se redressa, cligna des yeux… puis courut vers la baie vitrée.

— Yesssss ! cria-t-elle. New York is still here !

La ville s’étalait à ses pieds, vivante, bruyante, magnifique.
Elle appuya son front contre la vitre.

— Seigneur, Toi-même Tu sais… C’est pas un rêve hein ? J’peux vraiment dire que j’ai dormi dans les nuages !

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Une douce pensée monta dans son cœur :

« Veillez et priez, afin que vous ne tombiez pas en tentation. » (Matthieu 26:41)

— Oui, oui Saint-Esprit. Deux minutes, top chrono.

Elle s’agenouilla au bord du lit, marmonna quelques mots flous entre deux bâillements, puis sauta sur ses pieds.

— Ok, on se retrouve ce soir ! Là c’est piscine time, et le Royaume me suit, hein !

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La piscine de l’hôtel ressemblait à une carte postale version paradis urbain. Serviettes roulées, transats design, eau turquoise et playlist jazzy.

Fadila s’installa confortablement dans un transat, en maillot une-pièce fleuri et lunettes oversize sur le nez, prête à savourer chaque rayon de soleil new-yorkais.

— Wow. Heaven on earth, murmura-t-elle en croquant dans une fraise.

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Trois filles déboulèrent. Bronzées, brushées, mini-maillots et grands rires.

— Hey gorgeous! You here alone?

— On t’a repérée dès qu’on est arrivées. On adore ton style tranquille mais stylé, genre “je suis sage mais j’ai du feu”.

Fadila éclata de rire.

— J’sais pas si j’ai du feu, mais j’ai chaud, ça c’est sûr !

Les présentations furent rapides : Zahira, Nélya et Lilith. Trois touristes aussi. Chic, fun, délurées.

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Elles papotaient quand un serveur s’approcha.

— Oh mon Dieu, souffla Zahira. Le serveur ! On dirait un bébé gorille en cravate.

— Franchement, on devrait lui laisser un pourboire pour avoir osé porter cette chemise, ajouta Lilith.

Fadila sourit timidement, un peu mal à l’aise.

— Ne t’assois pas en compagnie des moqueurs. (Psaume 1:1)

La voix. Douce. Présente. Mais repoussée par un autre rire général.

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— Fadila, ce soir y’a une grosse soirée sur un rooftop ! Vibe new-yorkaise, DJ, musique, cocktails, vue panoramique sur Manhattan… Tu viens ?

Fadila se redressa lentement sur son transat, croisant les bras contre elle.

— Euh, les filles… Je suis chrétienne. Je vais pas en boîte de nuit, hein.

— Mais ce n’est pas une boîte, t’inquiète ! Juste une soirée entre amis. Promis, rien de méchant ! dirent-elles en se lançant des clins d’œil complices les unes aux autres. Tu peux boire un Perrier et prier en silence si tu veux ! dit Zahira en éclatant de rire.

— C’est safe, glamour et il y aura plein de beaux gars bien habillés, genre gentlemen version Netflix. Même Jésus viendrait avec un costume ! renchérit Lilith.

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Fadila tenta un sourire, le cœur un peu serré.

Mais l’euphorie collective avait déjà noyé l’avertissement.

— Ok… mais je mets pas de robes courtes, hein.

— Deal ! hurla Nélya. Et demain matin, tu nous remercieras.

Elles rirent. Fadila aussi.

Mais une personne… tentait encore de lui parler. Le Saint-Esprit, fidèle compagnon, murmurait avec insistance, comme une main tendue dans le tumulte. Il frappait doucement à la porte de son cœur, appelant à la vigilance.

Il voyait ce que les yeux de Fadila ne voyaient pas encore.
Mais Fadila, emportée par l’instant, laissa ce murmure se dissoudre dans le rire.

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Chapitre 5- La nuit qui brille

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L’ascenseur vitré les avait hissées jusqu’au sommet du building.
Quand les portes s’ouvrirent, Fadila retint son souffle.

Le rooftop était digne d’un clip : lumières tamisées, guirlandes suspendues, DJ en fond, foule chic et cosmopolite oscillant entre rires feutrés et conversations stylées.
Et surtout, cette vue : Manhattan scintillait tout autour, comme un rêve sous stéroïdes.

— Wooooow… souffla Fadila.

— T’as vu, hein ? s’exclama Zahira. Je t’avais dit que c’était pas une boîte, c’est… le ciel avec des talons hauts.

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Elles se dirigèrent vers un coin lounge.
Un serveur leur tendit une carte.

— Deux mojitos et un French 75, annonça Lilith. Et pour ma sœur sainte, là, vous pouvez lui faire un “Jésus Sunrise”, non ? dit-elle en riant.

Les filles éclatèrent de rire. Fadila sourit, un peu gênée.

Quelques minutes plus tard, elles sirotaient leurs verres, jambes croisées, installées dans de profonds fauteuils en velours capitonnés.

— Tu sais ce que j’adore ici ? lança Zahira. C’est que les mecs sentent bon même quand ils transpirent.

— Et qu’ils te regardent comme s’ils avaient vu Beyoncé… alors que t’as juste mis du gloss, ajouta Nélya.

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Fadila faillit recracher son jus.

— « Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs » (1 Corinthiens 15:33).

La voix du Saint-Esprit monta, à peine un souffle, mais distincte… et fut interrompue nette.

— Et toi Fadila, t’es en mode abstinence, ou t’as juste pas trouvé un gars avec assez d’onction pour te faire tomber la jupe ? demanda Zahira.

Fadila manqua de s’étrangler.

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Soudain, le DJ changea de registre. La musique devint plus suave, plus rythmée.
Et comme aimantées, les têtes se tournèrent.

Il venait d’entrer.

Un homme. Grand. Élégant. Peau claire, mâchoire bien dessinée, regard perçant. Sa chemise blanche, ajustée comme une seconde peau, soulignait ses épaules larges et sa carrure assurée. Il semblait sorti d’un film.

Un serveur lui tendit un verre, qu’il prit sans vraiment regarder.
Il scannait déjà la foule… jusqu’à ce que son regard se pose sur elles.

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— Now that’s a view… Good evening, ladies. I’m Evan. Would you allow me the honor of joining you ? dit-il d’une voix grave et posée.

Il s’assit. Son regard se planta dans celui de Fadila.

— Vous êtes française,?

— Oui… enfin… entre la Centrafrique et la France, je partage mes racines.

— Intéressant… On voit bien que vous ne venez pas d’ici et J’adore l’accent, lança-t-il en plongeant son regard dans le sien.

— Et quel est votre prénom ?

— Fadila, répondit-elle, hésitante.

Il sourit lentement, comme si ce mot avait une saveur rare.

— Fadila… such a soft name. Beautiful… .

Un frisson la traversa. Elle baissa les yeux, troublée.

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— « Fuyez l’impudicité » (1 Corinthiens 6:18).

Le murmure intérieur tenta de percer le charme du moment.
Mais Fadila prit une gorgée de sa boisson, le cœur battant, comme pour repousser le trouble.

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Le DJ lança une chanson langoureuse.
L’homme se leva.

— Est-ce que j’aurais l’honneur de cette danse ?

— Non… je ne crois pas, répondit-elle, la voix tremblante.

Il esquissa un sourire désarmant.

— Juste toi et moi. Les autres n’existent plus.

Les encouragements de ses nouvelles “amies” éclatèrent autour d’elle.

Fadila hésita.
Puis lentement, posa sa main dans la sienne.

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Ils commencèrent à danser. Lentement. Trop lentement.
Son souffle glissa contre sa peau.

— Tu sais que t’es troublante, Fadila ?

Elle sentit une chaleur douce, presque sournoise, glisser le long de sa colonne, embrasant ses reins. Ses jambes tremblèrent. Un soupir discret s’échappa de ses lèvres entrouvertes.

Elle ferma les yeux. Juste un instant.

Et dans l’atmosphère de Manhattan, quelque chose tournait.
Invisible. Malveillant.
Affamé de vices et de perversités.

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Chapitre 6 – La tentation silencieuse

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La soirée s’était dissoute comme un rêve.

Manhattan luisait sous une lune arrogante, suspendue au-dessus des gratte-ciel comme un œil silencieux. Le vent du soir glissait entre les tours, froissant les néons et chuchotant des secrets aux insomniaques.

Fadila attendait son taxi, seule, devant l’entrée du rooftop. Zahira, Nélya et Lilith étaient parties depuis un moment, chacune entraînée par un inconnu. Elle, elle était restée. Le cœur embué, les joues en feu, l’âme confuse.

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Sa robe dos-nu frémissait sous la caresse du vent. Elle frissonna.
Son corps, long et svelte, semblait sculpté pour ce genre de nuit.
Sa peau couleur ambre captait la lumière des réverbères comme un velours vivant.

Un sourire flottait sur ses lèvres.
Elle pensait à Evan.

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— Tu l’as oubliée…

La voix surgit derrière elle.
Elle pivota lentement.

Evan.

Grand. Élégant. Regard intense.
Il avança, veste en main, gestes lents, presque chorégraphiés.

Il posa la veste sur ses épaules. Ses doigts effleurèrent sa nuque.

Un simple contact. Mais tout son corps réagit.

Frisson. Respiration courte. Cœur accéléré. Une chaleur… trop douce, trop dangereuse.

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Un taxi jaune s’arrêta. Celui qu’elle avait commandé.
Evan ouvrit la portière. Elle monta. Il la suivit.

Dans l’habitacle : silence.
Lumières, klaxons, gratte-ciel défilaient.
Leurs cuisses se frôlaient à peine. Mais ce “presque” électrisait plus que tout.

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Arrivés devant le Hilton Midtown, Evan régla la course sans un mot.
Ils entrèrent dans le hall doré, majestueux.

— Je peux monter ? murmura-t-il.

Leurs regards s’accrochèrent. Le désir était palpable.

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Et c’est là qu’elle apparut.

Une femme d’un certain âge, béret rouge et cabas de tracts bibliques, traversa le hall.
Elle s’arrêta net.
Puis, levant un doigt accusateur, lança d’une voix claire :

— Fuyez l’impudicité, vous deux !

Fadila sursauta. Evan resta figé.
Le feu s’éteignit d’un coup comme si on avait coupé le gaz.

La vieille secoua la tête et ajouta en s’éloignant :

— Même à New York ? Satan voyage aussi, mais moi, Maman Jocelyne, je veille partout !

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Fadila cligna des yeux.
La voix du Saint-Esprit résonna, ferme, et attristée :

Ne cède pas. Reviens. Il est encore temps.

Elle fit un pas en arrière.

Mais Evan lui saisit doucement le poignet.
Son regard était redevenu doux.

Un frisson remonta en elle.
Et dans un souffle presque inaudible, elle dit :

— Viens.

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Chapitre 7 – La nuit des chaînes

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Ils prirent l’ascenseur en silence.

La porte de la suite s’ouvrit.
L’intérieur était somptueux, calme, presque trop beau.
Une lumière tamisée baignait la pièce d’une atmosphère douce… presque sainte.

Fadila ôta ses sandales et resta debout face à la baie vitrée, comme pour retarder l’inévitable.
Derrière elle, Evan s’approcha.

— Tu veux que je parte ? murmura-t-il.

Elle ne répondit pas. Pas tout de suite.

Lorsqu’il posa sa main sur sa taille, elle ne recula pas.
Lorsqu’il déposa un baiser dans son cou, elle ferma les yeux.
Et lorsqu’il chercha ses lèvres, elle les lui donna. Entières. Brûlantes. Soumises.

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Elle avait prié toute sa vie pour résister à ce genre d’instant.
Mais ce soir-là, ce fut trop doux. Trop intense. Trop tard.

Ils tombèrent sur le lit, comme on tombe dans l’oubli.

Et au moment même où leurs corps commencèrent à s’unir…

… la sirène des eaux s’éleva lentement.

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Invisible. Mais terriblement présente.

Son rire muet vibrait dans l’air comme un poison froid.
Ses yeux vides, impalpables, brillaient d’un plaisir cruel.

D’un geste lent, presque cérémonial, elle tendit ses bras déformés par les ténèbres.
De ses paumes jaillirent deux chaînes liquides, sombres comme l’abîme, animées comme des serpents.

Elles s’enroulèrent autour du poignet de Fadila.

Et dans un claquement silencieux, elle l’attacha à elle.
À jamais.

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Elle ferma les yeux, exultante.
Ce lien, elle ne l’avait pas volé.
Elle le lui avait offert.

Alors elle ouvrit la bouche — pas pour parler, mais pour appeler.

Un hurlement sourd déchira l’invisible.
Et l’air s’assombrit.

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Des entités surgirent, une à une, vomies de l’ombre :

  • Le démon de débauche, premier arrivé, rampa comme une bête, haletant autour du lit, affamé de luxure.

  • Le démon de rejet, voûté, ricanant, s’installa au pied du lit, prêt à envenimer les lendemains.

  • Le démon de culpabilité, mince et froid comme une lame, se posta derrière Fadila, déjà prêt à murmurer ses mensonges à son oreille.

  • Le démon d’infertilité, sans visage, s’enroula autour de leurs ventres, invisible mais déjà destructeur.

Puis, quand l’air sembla s’épaissir jusqu’à étouffer, une dernière entité se manifesta :

  • Le démon de suicide. Il ne rampait pas, ne ricanait pas. Il avançait lentement, drapé d’un silence oppressant. Sa présence seule faisait vaciller l’envie de vivre, comme si chaque respiration devenait inutile.

Un à un, la sirène exultante les lia à Fadila.

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Chacun fut connecté à Fadila.
Non par choix.

Par acte.
Par alliance.

Et tandis qu’Evan continuait de la pénétrer avec une ardeur envoûtante, des chaînes invisibles se formaient, unissant leurs corps et leurs âmes sous l’emprise de la sirène.

… Fadila était possédée.

Pas dans le sens qu’on montre dans les films.
Non.

Possédée par l’accord.
Par la soumission.
Par le consentement silencieux.

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Et dans cette pièce profanée…

… le Saint-Esprit s’était retiré.
Pas loin.
Mais en retrait.
Silencieux.
Attristé.

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Chapitre 8 – Le réveil de l’oubli

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Le lendemain matin,

une lumière douce filtrait à travers les rideaux épais de la suite.
Fadila bougea légèrement, enfouie dans les draps.
Un demi-sourire étira ses lèvres.

Elle pensait à Evan.
À sa voix. À ses mains. À la nuit…

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Elle tendit la main à côté d’elle.
Le vide.

Ses yeux s’ouvrirent.
Le lit était défait, mais Evan n’était plus là.

Sur la commode, un papier froissé.
Elle l’ouvrit.

"Tu as été formidable cette nuit.
L’un de mes meilleurs coups.
Evan."

Un clin d’œil dessiné. Pas de numéro.

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Elle chancela.
Puis courut vers la salle de bain.

Ses sous-vêtements au sol.
Sa robe froissée sur la baignoire.
Et dans la poubelle chromée… un préservatif usagé.

Son estomac se retourna.
Une nausée brutale.
Mais aucun vomissement.

Seulement un vide.
Immense.

Elle se laissa glisser contre les carreaux froids.
Et pleura. Longtemps.

— Qu’est-ce que j’ai fait… Seigneur… qu’est-ce que j’ai fait…

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Elle tenta de prier.
— Saint-Esprit… Je t’en supplie… pardon… reviens…

Mais le silence fut glacial.
Pas d’écho.
Pas de paix.
Juste… l’absence.

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Puis les voix commencèrent.
Pas des pensées. Pas des souvenirs.
Des présences. Réelles. Liées à elle.

Tout débuta par un souffle.
Puis un murmure glacial :

"Hébreux 10:26… Car si nous péchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité… il ne reste plus de sacrifice pour les péchés."

Le démon de culpabilité.
Froid. Solennel. Moqueur.

— Tu l’as choisi, dit-il.
— Ce n’était pas une chute. C’était un don.
— Tu es coupable, Fadila. Condamnée.

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Elle cria :
— NON ! C’est faux !

Mais un rire sec la balaya.

Le démon de rejet surgit du miroir.

— Tais-toi.
— Tu crois qu’Il va encore t’écouter ?
— Tu n’es plus une fille de Dieu.
— Tu n’es qu’un corps souillé.

Le miroir vibra.
Son reflet déformé la renvoya, sale, indigne.

— Tu pries ? Pour quoi ? ricana-t-il.
— Tu as couché avec le péché. Maintenant vis avec lui.
— Il ne viendra pas. Il est parti ton Saint Esprit dit il moqueur.

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Fadila couvrit ses oreilles.
Mais les voix étaient dedans.

Pas autour.
Dedans.

Ses lèvres refusaient de parler.
Ses larmes étaient sèches.
Brûlées.

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Alors une voix s’éleva.
Douce. Presque tendre.
Mais glaciale.

Le démon du suicide.

— Tu souffres… tellement.
— Et tu sais pourquoi ? Parce que tu n’es plus faite pour ce monde.

— Regarde-toi.
— Tu crois qu’on revient après ça ?
— Jésus t’a déjà abandonnée. Il t’a pris ta mère.
— Elle était tout pour toi. Et Il te l’a arrachée.

Sa voix se fit intime.
— Alors… pourquoi rester ?
— Pourquoi continuer ?
— Ce monde n’a plus besoin de toi.

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Un silence lourd s’abattit.
Puis un rire multiple éclata.
Grave. Déchirant.

Les démons tournaient autour d’elle.
Hyènes autour d’un cœur qui saigne.

Et d’une voix unie, ils déclarèrent :

— Désormais… tu nous appartiens.

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Chapitre 9 - Je ne t’abandonnerai pas

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Son téléphone tremblait dans sa main.

Fadila réussit à composer le numéro. À la troisième sonnerie, la voix de Malika répondit, taquine :

— Allô Fadi ? La New-Yorkaise qui ne m’a plus appelée depuis qu’elle a atterri au pays de l’Oncle Sam !
— Tu t’es mariée avec la Statue de la Liberté ou quoi ?

Un sanglot étouffé traversa la ligne.

— Malika… j’ai… j’ai fait une bêtise. Une grosse bêtise…

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Le ton de Malika changea aussitôt.

— Qu’est-ce qui s’est passé ? T’as la voix bizarre… t’es où là ?

— À l’hôtel. Il est parti… Evan. Il m’a laissée seule. Et j’ai… je suis tombée, Mali. J’ai couché avec lui.

Silence. Puis un soupir.

— Oh Fadi… tu pleures ?

— Je me sens tellement sale… Je crois que j’ai trahi Dieu. Je sens plus rien. Il ne me parle plus.

— Écoute-moi, ma sœur. T’es tombée, ok. Mais Dieu t’aime encore. Tu crois qu’un père jette son enfant parce qu’il est tombé dans la boue ?

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— Malika… j’entends des voix… Elles me condamnent… Elles me disent que Dieu m’a rejetée. Que je Lui appartiens plus. Qu’Il m’a vue… et qu’Il est parti.

— C’est des attaques, Fadi. L’Ennemi est enragé parce qu’il sait que Dieu ne t’a pas abandonnée. Et que tu peux encore revenir.

Fadila renifla, la voix éteinte :

— Je peux pas rester ici. J’étouffe. J’ai annulé les autres activités. Je rentre. Demain matin, je prends le premier vol pour Paris.

— Bonne décision. Reviens.

Petit silence. Puis Malika ajouta doucement :

— Et tu sais quoi ? Ça tombe bien…
Il y a trois jours de prière à l’église qui commencent demain. On va jeûner, prier, se repentir, se restaurer.
Viens. Ce sera parfait pour toi. Je t’y attends.

— Merci Mali… Merci…

Fadila raccrocha. Les mains tremblantes. Le cœur un peu moins lourd.

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L’avion atterrit sous un soleil franc.
L’été parisien étalait sa lumière sur le tarmac, chaud, éclatant.
Mais Fadila n’y prêta aucune attention.

Elle avançait lentement dans le couloir de l’aéroport.
Elle n’avait pas dormi du vol.
Pas mangé non plus.
Ses écouteurs dans les oreilles, mais aucun son. Le silence était plus fort que la musique.

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Elle s'approcha d'un taxi,

— Bonjour… murmura-t-elle.

— Bonjour mademoiselle. Direction… ?

— 26 rue de Turenne, dans le Marais s'il vous plaît .

Le trajet se déroula sans un mot de plus.
Les rues de Paris défilaient, floues, derrière les vitres.
Elle observait sans regarder. Ses yeux ouverts… mais absents.

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Un instant, elle croisa son reflet dans la vitre.
Elle détourna les yeux.

Dans sa gorge, un poids. Dans sa poitrine, un vide.

Le chauffeur tenta une phrase, histoire de détendre :

— Il fait meilleur qu’à New York, non ?

Elle ne répondit pas.

Il comprit.

Silence jusqu’au bout.

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Une semaine passa.

Fadila garda le silence.
Pas de réseaux sociaux. Pas d’appels.
Elle dormit peu. Mangea à peine. Et pria… sans vraiment attendre de réponse.

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Ce lundi matin-là, elle effleura son visage d’un maquillage léger, pour masquer la fatigue.
Elle enfila un tailleur noir, austère.
Non pas pour se faire plaisir, mais pour ne pas s’effondrer.

Les bureaux de l’agence de communication étaient encore calmes à son arrivée.
Elle salua quelques collègues d’un signe de tête.
Son regard fuyant évitait les questions.

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— Fadila ? appela une voix sèche.

C’était son supérieur, Monsieur Dussart.
Il l’attendait dans son bureau, la porte entrouverte.

Elle entra. Referma doucement.

— Je vais aller droit au but, dit-il en s’asseyant.
Je trouve que ces derniers mois, votre implication est en baisse. Vos délais sont irréguliers, vos briefs manquent de rigueur.
Et puis… vous avez pris ce congé surprise à New York…

Il croisa les doigts, s’appuya sur son fauteuil.

— J’ai décidé de mettre fin à votre contrat.

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Fadila resta figée.
Même pas surprise.
Seulement… vidée.

Elle hocha la tête.

— Très bien, dit-elle d’une voix blanche.

— Vous avez deux jours pour finaliser la passation. La RH vous enverra les papiers.

Elle sortit sans un mot. Sans larme. Sans colère.
Juste… un pas après l’autre.

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Chez elle, tout était silencieux.
Trop silencieux.

Fadila laissa tomber sa veste sur le canapé sans même y penser.
Elle se traîna jusqu’à sa chambre, puis tomba à genoux, sans force.

Pas de musique.
Pas de fond sonore.
Pas de mise en scène.
Juste elle. Et Dieu. Enfin… elle l’espérait encore.

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— Seigneur…
Je ne sais même pas par où commencer.

Sa voix se brisait à chaque mot.

— Je t’ai sali. Je me suis salie. Je croyais pouvoir gérer, je croyais que j’étais forte… mais j’ai foncé dans le mur. Et j’ai mal.
J’ai mal parce que je t’aime. Et je ne sens plus rien.

Les larmes tombèrent sur le parquet.
Pas en torrent. En silence.
Comme si même sa douleur avait peur de faire du bruit.

— Je veux revenir. Si tu veux encore de moi.

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Et c’est là… dans ce silence profond… que le murmure revint.

Doux. Solide. Vivant.

« Je ne te délaisserai point, et je ne t’abandonnerai point. »
(Hébreux 13:5)

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Elle ouvrit les yeux.
Elle ne savait pas si elle l’avait entendu… ou reçu.
Mais une chaleur douce venait de passer dans son cœur.
Un frisson. Une présence.

Le Saint-Esprit était là.
Discret. Fidèle. Vivant.

Elle posa sa main sur sa poitrine, les yeux clos.

— Merci…

Chapitre 10- Danse, Fadila, danse !

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Toc toc toc.

Fadila sursauta.
Deux coups nets à la porte.

Elle ouvrit les yeux.
Son visage collé à l’oreiller.
Le lit… toujours défait.
La lumière… éclatante.

Ce n’était pas Paris.

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Elle se redressa d’un coup. Regarda autour d’elle.
La grande baie vitrée.
Les meubles modernes.
Les rideaux crème.

Elle était toujours à New York.

Dans la suite de l’hôtel Hilton Midtown.

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Un nouveau coup à la porte.

— Room service, madame !

Elle se leva précipitamment, enroulée dans son peignoir. Ouvrit la porte.

Un serveur souriant déposa un plateau en argent avec un petit-déjeuner complet. Jus d’orange, croissant chaud, et fruits frais.

— Bonne journée, madame, dit-il avec l’accent new-yorkais.

Elle referma doucement la porte.

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Puis s’appuya contre.
Ses mains tremblaient.

Elle regarda autour d’elle encore une fois.
Tout était calme. Propre. En ordre.

Elle se jeta sur le lit, mit les mains sur son visage, haletante.

— C’était un rêve… murmura-t-elle.
Tout ça… c’était un rêve.

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Elle resta immobile quelques secondes.

Puis elle explosa de rire.
Un rire nerveux, secoué, libérateur.
Elle se redressa. Se leva. Fit un tour sur elle-même.

— Seigneur, c’était Toi ? Tu m’as… avertie ?

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Elle leva les bras vers le ciel, les yeux humides.

— Oh mais merci ! Merci ! Merci Seigneur !
J’ai rien fait ! Je suis libre ! Je suis pas tombée ! Alleluiaaaa !

Elle sauta sur place. Dansa maladroitement autour du lit.

— Fadila, t’as échappé à l’impudicité, girl ! Tu l’as échappée belleeuuuuh ! cria-t-elle en riant.

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Elle attrapa sa bible, la serra contre elle, et tourna encore en rond comme une enfant délivrée.

La lumière du matin entrait dans la pièce.
Le plateau fumait.
Et le Saint-Esprit… souriait.

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Chapitre 11- Plus de  Compromis

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La suite baignait encore dans la lumière du matin.

Fadila s’était habillée sobrement.
Un jean, un t-shirt blanc. Les pieds nus sur le sol frais.

Le plateau du petit-déjeuner fumait encore, intact.
Mais elle n’avait pas faim.
Elle avait soif. D’autre chose.

Elle se mit à genoux au bord du lit.
Pas pour demander.
Pas pour pleurer.

Pour remercier.

— Merci Jésus.
Merci de ne pas m’avoir laissée me perdre.
Merci de m’avoir réveillée.
Merci d’avoir crié plus fort que mon désir.

Ses mains tremblaient légèrement.
Mais son cœur… s’apaisait.

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Elle attrapa doucement son téléphone.
Ouvrit YouTube.
Tapa : “Ceux qui se confient en l’Éternel –. Et lança le chant.

La mélodie emplit la chambre.
La voix profonde et habitée du pasteur résonnait comme une vague.

🎵 “Ceux qui se confient en l’Éternel sont comme la montagne de Sion…”
“Elle ne chancelle pas… Elle est affermie pour toujours…” 🎵

Fadila ferma les yeux.
Ses lèvres suivaient le chant.
Ses mains s’élevaient lentement, comme des ailes oubliées.

— Oui Seigneur…
Je suis comme la montagne de Sion
Et je veux Te suivre.

Les larmes coulèrent. Mais cette fois, elles ne faisaient pas mal.
C’était des larmes de vie.
Des larmes de reconnaissance.

Elle se releva.
Elle était la même femme…
Mais son esprit, lui, avait changé d’atmosphère.

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Le soleil caressait les hauteurs du Hilton Midtown.
Autour de la piscine, l’ambiance était détendue, estivale, presque insouciante.

Fadila s’était installée à l’écart, dans un coin calme.
Maillot de bain une pièce fleuri,  kimono de plage transparent faisant  ressortir sa jolie peau ambrée.
Elle sirotait doucement un smoothie, les lunettes sur le nez.
Dans son cœur, encore l’écho du chant du matin.

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Un rire perça l’air, suivi de voix aux accents chantants.
Trois jeunes femmes approchaient, lumineuses et pleines d’énergie.

L’une d’elles, grande, blonde avec un grand chapeau en paille, s’arrêta en la voyant.

— Hey ! On t’a jamais vue ici, toi !
— You’re new around here ? lança une autre avec un accent australien marqué.
— Don’t tell me you’re here alone ! ajouta la dernière, une brune aux cheveux courts et grosses boucles d’oreilles.

Fadila releva ses lunettes, surprise mais souriante.

— Je… oui. Bonjour. Je m’appelle Fadila.

— Enchantée ! Moi c’est Lilith, dit la blonde.
— Zahira, ajouta l’asiatique rieuse.
— Et moi c’est Nélya, répondit la brune.
— On vient d’Australie ! Girls trip à New York, baby !

— Wow. Super ! répondit Fadila avec un petit sourire.

Elles s’installèrent autour d’elle sans gêne, comme si elles se connaissaient depuis toujours.

— Et toi, tu viens d’où ? demanda Zahira.
— De Paris.
— Classe ! lâcha Nélya. On dirait une actrice française.
— Merci… dit Fadila, un peu gênée.
— Et t’es là pour quoi ? Shopping ? Tinder tour ? blagua Lilith en riant.

— Non, pas vraiment. Juste… du repos. Et du temps avec Dieu.

— Avec Dieu ? répéta Zahira.
— Genre tu pries en vacances ? T’es hardcore toi.

— Chacun ses vacances, répondit Fadila, calme.

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À ce moment-là, un jeune serveur s’approcha.
Il semblait nerveux, son plateau tremblait légèrement.

— Bonjour mesdames… voici vos boissons…

En posant les verres, il renversa quelques gouttes sur la table.

— Oh mince… désolé…

— T’as appris à servir où ? Dans un zoo ? lança Zahira sèchement.
— Il a deux mains gauches, c’est pas possible, ajouta Nélya en soupirant.
— Hé garçon, fit Lilith en tapant du doigt sur la table, si t’étais mon employé, t’aurais déjà sauté.

Les trois éclatèrent de rire, moqueuses, sans même regarder le serveur.

Fadila, elle, ne riait pas.

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Un frisson remonta le long de sa nuque.
Une sensation de déjà-vu glaçante.
Une réplique exacte de son rêve.

Elle vit le serveur baisser les yeux, honteux, marmonner un désolé, et repartir, le dos voûté.

Le smoothie perdit toute saveur dans sa bouche.

Sans dire un mot, elle posa son verre, se leva doucement.

— Les filles… je vais marcher un peu.

— Hein ? Mais t’es sérieuse ? On est fun pourtant, lança Nélya.
— Ou trop fun pour elle, gloussa Lilith.

Fadila sourit. Libre.
Elle tourna les talons.
Et s’éloigna.

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Elle ne savait pas exactement où elle allait.
Mais elle savait désormais parfaitement ce qu’elle ne voulait pas devenir.

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Chapitre 12-Come as you are. Leave transformed.

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Fadila marchait sans but précis, portée par une paix nouvelle.
Les rues vibrantes de New York défilaient sous ses pas.
Elle longeait des boutiques, traversait des ruelles bordées d’arbres, observait les passants sans vraiment les voir.

Elle voulait juste respirer.

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Et soudain… elle s’arrêta.

Un chant.

Lointain.
Mais profond.
Un chœur en harmonie, qui traversait les murs comme un murmure céleste.

Elle leva les yeux.

Devant elle s’élevait une belle bâtisse en briques claires, sobre mais élégante.
Une façade vitrée. Un logo discret. Et sur l’enseigne :

WORD CHANGER CHURCH MINISTRY
"Come as you are. Leave transformed."

Le son venait de là.
Les portes étaient entrouvertes.
Les voix s’élevaient depuis l’intérieur.

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Elle s’approcha. Jeta un coup d’œil discret.

La salle de culte était spacieuse, moderne, baignée de lumière naturelle.
Sur la scène, une chorale en pleine répétition pour le culte du dimanche.
Claviers, guitares, percussions… et des voix puissantes qui chantaient :

“You are the reason I live, You are the one for me…”

Elle sentit son cœur se serrer.
Pas de tristesse.
Mais une émotion familière : la Présence.

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Elle entra.

Une femme à l’accueil la remarqua immédiatement et s’approcha, radieuse.

— Hello! Bienvenue à la Word Changer Church Ministry ! C’est ta première fois ?

— Oui… je… je passais juste devant.

— Eh bien, tu viens de faire un détour béni ! répondit-elle en riant.
Moi c’est Grace.

Un jeune homme, grand, au regard doux et posé, s’approcha à son tour.

— Et moi c’est Eliyah. Tu es la bienvenue ici.

— Merci… je suis Fadila.

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Ils discutèrent quelques instants.
Et très vite, la connexion se fit.

Ils lui proposèrent un café, puis l’invitèrent à rester assister à la fin de la répétition.
Et au moment de partir, Grace lui demanda :

— Tu as prévu quelque chose demain ? On peut te faire visiter la ville si tu veux.
Mais pas la ville version carte postale… la vraie. Celle que Dieu aime.

Fadila sourit.

— Avec joie.

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Et ce fut le début d’une belle amitié.
Durant le reste de son séjour, Grace et Eliyah lui firent découvrir un New York authentique et lumineux :
des moments de prière dans les parcs, des balades sur le Brooklyn Bridge, des fous rires devant les hot-dogs, des versets partagés dans les couloirs du métro.

Ce n’était pas juste un voyage.

C’était une guérison.

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Chapitre 13 -L'humilité précède la Gloire.

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Fadila était rentrée en France depuis quelques jours.

Le retour à Paris avait été doux.
Elle avait repris le travail dans les locaux du Marais, le cœur plus fort, l’esprit plus clair.
Elle marchait dans une paix nouvelle. Une paix solide.

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Un matin, alors qu’elle classait quelques dossiers, son téléphone sonna.

— Bonjour madame Fadila. Le conseil d’administration vous demande en salle 301.
— Maintenant ?
— Oui, tout de suite.

Elle raccrocha, surprise.
Le ton était solennel.

Elle se leva, respira un bon coup.
Et gravit les marches qui menaient au dernier étage.

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La salle 301 était pleine.

Tous les membres du conseil étaient là.
Certains souriaient. D’autres semblaient émus.

Mais le directeur — celui qui l’avait tant humiliée, méprisée, oppressée — n’y était pas.

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Le CEO, un homme respecté et discret, se leva.

— Mademoiselle Fadila, asseyez-vous, dit-il avec douceur.
Nous avons longuement réfléchi.
Le poste de Directeur Général est vacant… et après avoir étudié votre parcours, votre attitude, votre fidélité, votre esprit d’initiative, nous sommes arrivés à une décision unanime.

Un silence.

— Nous souhaitons que vous preniez la relève.
Vous êtes la nouvelle Directrice Générale de nos filliales worldwilde.

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Fadila sentit son souffle se suspendre.
Son cœur battait fort.
Ses mains tremblaient.

Les membres du conseil se levèrent pour l’applaudir.

Elle, debout, les yeux larmoyants, ne put dire un mot.
Elle baissa la tête. Et dans son cœur, une prière monta.

— Merci Jésus…
Merci pour ton amour
Merci pour Ton temps.
Merci de m’avoir réveillée.

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Chapitre 14-Et s'il ne m'avait pas réveillée ?

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✦ Quelques années plus tard…

— 对不起,夫人,辛皇先生想见您。
(Duìbùqǐ, fūrén, Xīn Huáng xiānshēng xiǎng jiàn nín.)

Excusez-moi, madame, Monsieur Xinhuang désire vous voir.

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Fadila leva les yeux de son écran.
Elle répondit doucement, en articulant avec grâce :

— 请稍等一下。
(Qǐng shāo děng yīxià.)

Un instant, s’il vous plaît.

Elle accompagna sa réponse d’un léger sourire et d’un hochement de tête.

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Son bureau était vaste, lumineux, perché au sommet d’un gratte-ciel de Shanghai.

Les baies vitrées offraient une vue vertigineuse sur la ville étincelante : des buildings futuristes, des jardins suspendus, la rivière Huangpu serpentant au loin. Au milieu du paysage, la silhouette élancée de la Shanghai Tower dominait l’horizon, tandis que la Perle de l’Orient, scintillante de mille lumières, ajoutait une touche presque irréelle à la skyline.

Sur un meuble discret en bois laqué, un cadre doré attirait le regard.
Une photo de famille.

Fadila, rayonnante, entourée d’Eliyah — son mari, rencontré autrefois à la Word Changer Church Ministry de New York — et de leurs trois enfants.
Tous souriaient, complices.
L’image respirait l’amour, la paix, et une promesse accomplie.

Leur mariage avait été doux, spirituel, solide.

Eliyah était devenu son pilier, son partenaire de prière, et le père admirable qu’elle avait toujours désiré pour ses enfants.

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Fadila portait un tailleur blanc de chez Hermès,des escarpins discrets signé Channel.
Ses cheveux étaient soigneusement attachés.
Son regard était posé, profond, lumineux.

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Elle s’approcha des immenses vitres.

La lumière du jour baignait son visage.
Le silence de son bureau, feutré, était rempli d’une atmosphère de paix presque surnaturelle.

Elle contempla la ville en contrebas.
Et dans un souffle… elle murmura :

Et s’Il ne m’avait pas réveillée ?…

Une larme de gratitude glissa sur sa joue.

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À travers elle, des centaines d’employés avaient donné leur vie à Jésus.
Des départements entiers transformés.
Des groupes de prière implantés dans les filiales du monde entier.

Et le groupe qu’elle dirigeait était devenu l’un des plus prospères et respectés au monde.
Non pas grâce à sa stratégie…
Mais parce qu’elle avait appris à obéir au Saint-Esprit sans compromis.

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© 2025 Marjorie Neves de Pesquidoux – Tous droits réservés.Ce texte est une œuvre originale protégée par les dispositions du Code de la propriété intellectuelle.
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